24.4.08

Sur l'immigration clandestine

Intéressant débat avec François Guillaumat dans les commentaires de l'article précédent. N'hésitez pas à y participer...

Mon point de vue est que le légalisme démocratique ne peut jamais être accepté en bloc, mais doit être contesté quand il n'est pas en phase avec les principes libéraux (liberté individuelle et propriété). C'est pour cela que, de mon point de vue, un immigré en situation irrégulière qui n'est pas venu pour se faire assister mais qui gagne sa vie normalement doit être toléré.

Certes, il bénéficie de certains services "publics" gratuits (ne serait-ce que marcher dans la rue) auxquels il ne contribue pas s'il travaille au noir. Mais cela à mon avis ne peut lui être opposé. A la différence de la propriété privée, la propriété publique ne peut constituer un réel droit d'exclure. Si c'était le cas, ne pourrait-on pas justifier n'importe quel crime ou génocide décidé démocratiquement ?

François Guillaumat semble considérer l'Etat comme une sorte de syndic de copropriété qui établirait des règles (un règlement de copropriété) qui pourraient interdire l'installation d'un étranger. Mais ce serait un étrange règlement que celui qui interdirait aux copropriétaires de recevoir chez eux qui ils veulent. En réalité, il y a des limites quand on établit un règlement de copropriété. Si celui-ci obligeait par exemple les plus riches à verser de l'argent aux plus pauvres, serait-il légitime ? Certains diront :"oui, et si vous n'êtes pas contents, changez de copropriété." Mais alors la spoliation de la Sécurité sociale est justifiée : si on n'est pas content, on n'a plus qu'à quitter le pays.

Pour poursuivre la comparaison avec la copropriété, notre désaccord porte en fait sur le statut des parties communes. François Guillaumat dit en gros : faute de mieux, on est obligé d'accepter un règlement de copropriété qui interdirait aux étrangers d'emprunter les parties communes même s'ils sont invités par un copropriétaire qui est prêt à les loger. Admettons. Mais alors, la copropriété serait-elle autorisée à violer la propriété privée du propriétaire invitant pour expulser celui qui n'a pas respecté le règlement ? Cela reviendrait à affirmer une souveraineté absolue de l'Etat, libre de disposer à sa guise de la propriété privée. Ce n'est plus du libéralisme, c'est de l'absolutisme hobbesien.

On me répondra : la propriété privée peut être subordonnée à des règles communes (règlement de copropriété, servitudes, etc.), et la copropriété est en droit de les faire respecter, y compris en violant la propriété privée (comme expulser le clandestin réfugié chez vous). Je dis qu'on est dans l'arbitraire. Si un règlement de copropriété jusqu'ici tolérant décidait un jour à la majorité que les personnes de race jaune ou noire (ou tout autre critère discriminant) n'ont plus le droit de franchir le seuil de l'immeuble, faudrait-il le respecter ?

9 commentaires:

BLOmiG a dit...

Quand on aborde la question des droits de propriété, on rentre toujours dans le coeur du problème.

On peut certes comparer l'Etat à un responsable de la copropriété "nationale", mais il y a tout de même une différence importante, il me semble.

Quand on rentre dans une copropriété, on le fait librement et en connaissance des règles de cette copro.

Or, l'Etat qui régit la copropriété "espace public" détient ce droit sans que personne ne soit volontairement rentré dans cette copropriété un peu spéciale.

De même, je suis libre de quitter la copropriété où j'habite sur je juge ses règles comme gênantes : où est cette liberté avec l'Etat, à part changer de pays ?

La décentralisation est un moyen efficace je pense pour rétablir de la souplesse et de la liberté dans notre système centralisé.

à bientôt !

Stan Selene a dit...

Juste un petit truc, les immigres clandestins payent quand meme la TVA. Du coup on ne peut pas dire il me semble qu ils ne participent pas aux biens publics.

georges lane a dit...

Les mots "migration" - d'oiseaux ...-, "immigration" et "émigration" font adopter un point de vue dont il faut avoir conscience.

En ce qui me concerne, je refuse de me situer de ce point de vue "socialo-communiste" qui, tantôt pénalise les émigrés (par exemple lois de la décennie 1790) tantôt avantage les immigrés (par exemple actuellement…)

Je préfère adopter celui de la liberté d'aller et venir - de circuler - dans l'espace de sa propriété ou des propriétés où les propriétaires nous ont invités, des propriétés en tout état de cause entretenues et mises en valeur.
Tout propriétaire entretient et met en valeur sa propriété, il supporte la charge des services d'entretien et de mise en valeur et ne saurait accepter sans réaction la destruction des résultat de ces actions.

La circulation d'une personne clandestine, i.e. qui n'a pas voulu se faire connaître, ne peut que détruire dans une certaine mesure le résultat, à commencer par la place qu'elle occupe dans l'espace pendant le temps où elle l'occupe.
Dans ce temps,
elle consomme des services de l'espace dans l'état où il se trouve et
elle interdit l'entretien et la mise en valeur par le propriétaire :
on ne peut pas être et ne pas être dans un espace.

Le propriétaire peut-il se moquer du cas, de la "dégradation" de sa propriété ?
Le propriétaire privé, responsable, ne s'en moquera pas…

Quid du propriétaire public à supposer que l'expression "propriété publique" ait une réalité, que la puissance publique soit le propriétaire de l'espace "du même tabac" en question qu'elle s'est accaparée ?
Il est à craindre que le plus souvent, le propriétaire public, irresponsable institutionnellement, s'en moque. Faut-il insister sur les "dégradations observables et invivables" dans les domaines publics ? Faut-il rappeler que l'Etat ne connaît pas le patrimoine immobilier qu'il a en propriété et que celui qu'il connaît n'est pas "rentabilisé" comme il le devrait (cf. "Rapport Tron" 2006) ?

Le cas échéant - ligne de "défense" ou d'"attaque" ? -, il tentera même de tourner en dérision la propriété pour monter en épingle l'hospitalité dont il ferait preuve.

Il fera aussi pression sur les propriétaires privés pour qu'ils adoptent sa ligne de conduite.

Tout cela jusqu'au jour où tel ou tel d'entre eux ira acheter ou se faire inviter ailleurs, écoeuré par la spoliation dont il aura été victime ou à quoi il est exposé.

Internetttement vôtre.

Liberal a dit...

Je trouve votre démarche intéressante mais un peu théorique. S'il n'y avait aucune bonne raison de mettre en place des gratuités, vous auriez totalement raison. Mais dans la pratique, il y a des externalités qui justifient la mise à disposition de services "gratuits".

Je pense notamment à la santé. Pour reprendre votre analogie, si un copropriétaire contracte le choléra, il sera de l'intérêt de chaque copropriétaire de le soigner pour que la contagion ne gagne pas tout l'immeuble.

Dès lors, le problème de l'immigrant illégal resurgit. La copropriété peut être fondée à refuser à un copropriétaire le droit d'inviter un tiers qui générera des coûts.

Je crois que c'est Gary Becker qui a suggéré une solution simple à cette situation. La personne qui invite l'immigrant indemnise la collectivité contre ces coûts. En gros, cela revient à faire payer assez cher le titre de séjour. Bien entendu, plus le poids de la sphère publique est important, plus le prix du titre de séjour doit être élevé.

Comme toujours, introduire un prix permet de clarifier un problème. En l'occurrence, on comprend mieux que ceux qui demandent plus de service public nuisent aux intérêts des immigrés.

Laure Allibert a dit...

Ce qui m'étonne, Georges, dans votre point de vue, est que d'une part vous niez (à juste titre à mon avis) la pertinence de la notion de "propriété publique", et d'autre part vous refusez au clandestin de passer par l'espace public.

L'espace public est ouvert à tous. Admettons que le "propriétaire public" ne le finance que par l'intermédiaire d'un péage. En ce cas, comment pourrait-on interdire au clandestin d'emprunter l'espace public, s'il s'acquitte du péage, pour aller s'installer dans sa propriété à lui légitimement acquise ? De même qu'un touriste passe aujourd'hui dans l'espace public sans qu'on trouve à y redire. Et quelle différence entre le touriste et le clandestin ? Aucune, si ce n'est que l'un (le clandestin) peut (dans certains cas) profiter de l'Etat-providence.

Mon point de vue est évidemment que la propriété privée "transcende" toute propriété publique, et que le terme de "clandestin" n'a pas de sens dès lors que la personne concernée respecte la liberté et la propriété d'autrui.

Laure Allibert a dit...

"Libéral", il n'y a pas que des immigrés qui viennent par "invitation". On peut imaginer un immigré qui répond à une annonce et s'installe à l'hôtel : je ne considère pas que son patron l'ait invité, et celui-ci n'a pas à répondre de lui.

Sinon votre remarque est juste, cela explique pourquoi certains pays (je pense à la Suisse) exigent une assurance santé quand on s'installe chez eux.

Laure Allibert a dit...

Et je pose la question de fond : si un immigré clandestin se trouve bénéficier indûment d'avantages qui découlent de la redistribution étatique, qui faut-il incriminer ? Le clandestin, ou l'Etat-providence ?

On pourrait certes estimer qu'évincer le clandestin rétablit un peu de justice dans cette injustice complète qu'est le système de redistribution. Mais qu'est-ce qui est le plus prioritaire ? Se protéger des clandestins, ou éliminer le système qui les attire ?

Le Champ Libre a dit...

Bonjour tout le monde.

Sujet très vaste.

Pour moi, pourvu que l'Etat soit restreint au maintien de l'ordre et à l'administration du domaine public (routes, réseaux d'égouts, etc...) et qu'il fasse payer pour cela des impôts directs à tous ceux qui bénéficient des ses services (ceux qui habitent dans la zone gérée par cet Etat), il n'y a pas lieu d'interdire l'immigration (sauf pour refouler les criminels). Toute personne payant ses impôts est un citoyen de cet Etat.

georges lane a dit...

Libéral a écrit :
1° "… dans la pratique, il y a des externalités qui justifient la mise à disposition de services 'gratuits'."

Je ne suis pas d'accord.
Les externalités sont un anti concept qui résulte d'une mauvaise définition du droit de propriété par ceux qui l'ont façonné.

Le droit de propriété est un instrument juridique qui procède de la réduction réussie de l'ignorance spécifique à chaque être humain et qui contribue à la réduire encore dans une mesure finie et non pas infinie (je vous renvoie par exemple à Hayek, Droit, législation et liberté).

L'externalité a la prétention de rendre compte de la "mesure infinie" !

Il n'y a pas de service gratuit.
Tout service est une action humaine et à ce titre coûteux. De deux choses l'une : celui qui rend le service le fait payer ou ne le fait pas payer; si on préfère, celui qui le consomme le paye ou ne le paye pas.
Si celui qui rend le service ne le fait pas payer, le consommateur dira que "c'est gratuit". En vérité, le producteur le lui aura donné, il en aura supporté la charge.
Si celui qui consomme le service ne le paye pas, soit il en est donataire, soit il en est voleur.

2° "si un copropriétaire contracte le choléra, il sera de l'intérêt de chaque copropriétaire de le soigner pour que la contagion ne gagne pas tout l'immeuble."

Ce n'est qu'une possibilité parmi d'autres.
Une autre est, par exemple, de se protéger, de développer les moyens de protection et de prévention : "aide toi, le ciel t'aidera".

3° "La copropriété peut être fondée à refuser à un copropriétaire le droit d'inviter un tiers qui générera des coûts."

Derrière cette phrase, se cache l'externalité : je le répète, il n'y a pas d'externalités.

Parallèlement, la copropriété est d'abord un contrat entre personnes juridiques. S'il a été convenu une clause de cette nature par les propriétaires, il n'y a rien à redire. Mais la clause reste étrange car elle faire référence implicitement à la responsabilité. Propriété et responsabilité vont de pair, ce sont deux instruments juridiques complémentaires pour gérer l'ignorance spécifique de chaque être humain.
La définition juridique de la propriété implique celle de la responsabilité et réciproquement : cette bijection échappe curieusement aux économistes mathématiciens qui se prennent pour des économistes.

4° "introduire un prix permet de clarifier un problème."

Il n'y pas à faire un sort particulier au prix, "à introduire un prix" dès lors qu'on ne fait pas abstraction de la définition du droit de propriété et de ce qu'elle implique.
Dès lors qu'on se situe dans la réalité et non pas dans le monde d'Alice, celui des Merveilles, le prix est une conséquence logique de la définition du droit de propriété et d'une conséquence logique de celui-ci, à savoir la définition exacte de l'échange, autre instrument juridique : l'échange de droits de propriété entre personnes juridiques est un type de contrat.
Le contrat, l'échange, est conclu en particulier par l'accord sur le prix.

Si le législateur a la capacité d'interdire ou d'entraver l'échange, bien évidemment, on sera amené à distinguer l'échange interdit ou entravé et l'échange libre…, à faire valoir des prix fixés ou contrôlés par le législateur ou donnés par le "marché".

Et au départ, les hommes de l'Etat auront acquis ce qu'ils dénomment "propriété publique" par le vol ou le dol de la propriété … privée de personnes juridiques non étatiques.


Laure, vous avez écrit :

1° "L'espace public est ouvert à tous."

Pas d'accord avec vous, chère Laure, pour une fois.

Il y a d'abord l'espace que chaque être humain cerne à sa façon et qui est ouvert à tous.

Il y a ensuite des espaces que des êtres humains parviennent à mettre en valeur et à entretenir à leur façon.
En conséquence de quoi ils s'approprient les services qu'ils en tirent ainsi.
Le cas échéant, ils offrent les services en question "gratuitement" ou "moyennant paiement".

Enfin, il y a l'espace que les hommes de l'Etat accaparent – toutes les raisons de cet acte à condamner sont bonnes, sécurité, protection, etc. - après que des êtres humains sont parvenus à le mettre en valeur et à l'entretenir.
Ils dénomment "public" cet espace.


2° "comment pourrait-on interdire au clandestin d'emprunter l'espace public, s'il s'acquitte du péage, pour aller s'installer dans sa propriété à lui légitimement acquise ?"

Pourquoi "péage" ? Pourquoi pas prix résultat de l'échange conclu … librement ? "Le ver est dans le fruit"…
Vous voyez bien que l'espace public, le faux prix qu'est le péage et les "faux droits" qui en résultent vont de pair.
Il ne faut pas se situer dans ce labyrinthe fondé sur une mauvaise définition du droit de propriété - pour ne pas écrire une absence de définition de ce droit -.

3° "quelle différence entre le touriste et le clandestin ? Aucune, si ce n'est que l'un (le clandestin) peut (dans certains cas) profiter de l'Etat-providence."

Entièrement d'accord.
J'ajouterai que les gens de l'organisation de la sécurité sociale obligatoire (OSSO) feront d'ailleurs tout pour qu'ils en profitent car ils accroissent ainsi le "cheptel", leur fonds de commerce, fonds de pouvoir de nuisances.

Laure, votre blog reste formidable.

Bravo.